Yara Sous , Psychologin

Une crise invisible


Regards sur Bethléem, no 73 - Eclairage

Depuis décembre, la psychologue Yara Sous conseille des familles et des enfants en cas de troubles psychiques.
Photo : © KHB

La santé mentale infantile est un problème souvent négligé en Cisjordanie. La violence, l’insécurité et le manque de soutien pèsent particulièrement sur les enfants. L’Hôpital de l’Enfance Bethléem réagit à l’augmentation de ces pathologies et met en place un service de conseil psychologique. (ras)

Selon la Banque mondiale, la santé mentale infantile en Cisjordanie était déjà préoccupante avant le début de la guerre à Gaza. L’occupation militaire, la violence au sein des foyers et le manque de perspectives entraînent de nombreux troubles psychiques chez les enfants. Selon une étude de l’institution, jusqu’à 50% d’entre eux souffraient déjà auparavant de stress post-traumatique.

Les maladies mentales ont des conséquences directes sur la vie quotidienne et de nombreux élèves ont des problèmes de concentration qui affectent leurs résultats à l’école. Le risque d’abandon scolaire et de formation lacunaire augmente en conséquence. Malgré les besoins importants, l’assistance psychologique est sous-financée et peu accessible.

Le poids de la charge mentale

Médecins Sans Frontières (MSF) dénonce une détérioration dramatique de la situation depuis le début de la guerre à Gaza. La violence augmente et les enfants sont témoins d’événements qui les perturbent profondément. Selon MSF, de plus en plus de jeunes enfants – dont certains n’ont que trois à cinq ans – auraient besoin d’une aide psychologique.

Les symptômes tels que l’énurésie, le bégaiement ou l’anxiété persistante sont fréquents. L’incertitude permanente, aggravée par les pénuries d’approvisionnement, accentue le stress psychique. Alors que le nombre d’enfants touchés augmente, les moyens de traitement adaptés restent insuffisants.

L’Hôpital de l’Enfance Bethléem réagit

L’hôpital pédiatrique a ouvert un service spécialisé en conseil psychologique en décembre dernier. L’état émotionnel des enfants, leurs capacités cognitives et leurs éventuels troubles de comportement sont évalués de manière approfondie lors d’entretiens structurés, de diagnostics standardisés et d’observations cliniques. 

L’objectif est de détecter à un stade précoce les troubles anxieux, les traumatismes et les problèmes de développement. Cette évaluation sert de base à des interventions thérapeutiques personnalisées qui aident les enfants à gérer le stress et à acquérir le contrôle de leurs émotions, notamment grâce à la thérapie par le jeu, à l’acquisition de stratégies comportementales cognitives et à des entretiens avec les parents.

« Notre centre de consultation offre aux enfants un espace sécure dans lequel ils peuvent assimiler leurs expériences et entamer leur processus de guérison », explique Yara Sous, psychologue du développement et responsable du service psychologique pour enfants à l’Hôpital de l’Enfance Bethléem. Les nouveaux services sont évalués en continu et développés en étroite collaboration avec les partenaires locaux afin de garantir une prise en charge durable. Car, selon Yara Sous, « sans soutien ciblé, les conséquences à long terme risquent de toucher toute une génération ».

Des organisations comme l’Hôpital de l’Enfance Bethléem apportent une aide précieuse, mais le besoin est immense. Il est urgent de développer la gamme de services psychologiques afin de permettre aux enfants concernés de construire leur avenir sans peur. 

 Réferences :« Mental Health in the West Bank and Gaza », Banque Mondial (2022); « Occupied Lives », Médecins Sans Frontières (2024)

 

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